Validité du barème Macron :
fin de l’incertitude ?

neptune avocats bareme macron

Pour mémoire, les ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017 ont, entre autres, modifié l’article L 1235-3 du Code du travail qui prévoyait jusqu’alors, en cas de licenciement injustifié, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale aux salaires bruts des 6 derniers mois, sans fixer de plafonnement à l’indemnisation du salarié.

Depuis le 23 septembre 2017, les licenciements jugés sans cause réelle et sérieuse exposent l’employeur au paiement d’une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, fixés par un barème variant entre 1 et 20 mois de salaire brut en fonction de l’effectif de la société et de l’ancienneté du salarié (art. L 1235-3 du Code du travail).

Pour le législateur, l’objectif de la réforme était de rendre prévisible l’indemnisation en cas de licenciement abusif et d’offrir une sécurité juridique aux employeurs, étant précisé que sont exclus du barème les licenciements jugés nuls pour cause de harcèlement ou de discrimination notamment.

Depuis 5 ans, les contestations portant sur la conformité ou non du barème Macron aux normes de droit international se succèdent, au point que de nombreux conseils de prud’hommes et plusieurs cours d’appel ont décidé d’entrer en résistance, et ce faisant de s’affranchir de l’application du barème arguant de sa non-conformité à plusieurs normes internationales (notamment la Convention n°158 sur l’Organisation Internationale du Travail et l’article 24 de la Charte Européenne en Droit du Travail).

Deux arrêts de la Chambre sociale, statuant en formation plénière, rendus le 11 mai 2022, devraient en principe mettre fin aux controverses (pourvois n° 21-14.490 et n° 21-15247).

Dans la continuité des avis qu’elle avait rendu le 17 juillet 2019, la Cour de cassation :

  • confirme que la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;

  • confirme en revanche l’effet direct en droit interne de la convention n°158 de l’OIT pour juger ensuite que les dispositions de l’article L 1235-3 du Code du Travail sont compatibles avec son article 10 ;

  • enfin, écarte toute possibilité de contrôle de conventionnalité in concreto par les juges du fond au motif que celui-ci serait contraire au principe d’égalité des citoyens devant la loi, reconnu par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et des Citoyens de 1789.

Les attendus de la Cour de cassation sont on ne peut plus clairs : le barème Macron ne se heurte à aucune norme internationale et est donc parfaitement valable.

Suffiront-ils pour autant à faire cesser la polémique ?

Nous ne pouvons en avoir la garantie alors que le Comité Européen des Droits Sociaux (instance de contrôle du Conseil de l’Europe chargée d’examiner le respect de la Charte sociale européenne par les États parties) vient de juger le barème Macron contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne, dans la continuité de sa décision sur le barème d’indemnisation du licenciement injustifié instauré en Italie, système très proche du barème français (CEDS, 11 septembre 2019, 158/2017, Confederazione Générale Italiana del Lavoro c/ Italie ; décision de la CEDS non encore publiée s’agissant du barème français).

Cette décision n’a pas de force contraignante sur l’Etat ou les juridictions françaises mais couplée aux conclusions du comité de l’OIT émises dans son rapport du 16 février 2022, nul doute que les débats seront encore vifs (Rapport du 16 février 2022 du comité de l’OIT chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la France de la convention n°158 sur le licenciement).

L’OIT s’est en effet prononcée sur la réclamation déposée en 2017 par la CGT et la CGT-FO concernant le respect de la convention n°158 sur le licenciement. Le rapport du Comité tripartite chargé de l’examen de cette réclamation a été approuvé par le Conseil d’administration de l’OIT et publié le 25 mars 2022. Il mentionne notamment qu’avec ce barème français « le pouvoir d’appréciation du juge apparaît ipso facto contraint » et « qu’il n’est pas à priori exclu que, dans certains cas, le préjudice subi soit tel qu’il puisse ne pas être réparé à la hauteur de ce qu’il serait « juste » d’accorder ».

In fine, ce rapport invite « le gouvernement français à examiner à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du dispositif d’indemnisation » de façon à s’assurer qu’il permette bien une « réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement abusif ».

En conclusion, considérons que le barème est applicable devant nos juridictions mais conservons à l’esprit qu’il pourrait disparaître un jour à force d’apparaître, pour beaucoup, comme un symbole repoussoir …